Oeuvre collective de Marie Donnève et Giulia Pentcheff :
Texte de Giulia Pentcheff
Le temps, qui efface les petits chagrins et creuse le lit des grandes peines,
Qui passe en coup de vent, un baiser sur le front de l’enfance
Ou qui traîne en partant, s’attarde au pied du fauteuil, au chevet des cheveux blanchis.
Le temps envahit l’espace.
La fenêtre est entrouverte derrière les persiennes. Un rideau vit, d’un intime froissement. L’antique armoire à glace, d’épais draps brodés, le matelas de laine au creux duquel ils se serraient. Tes cheveux défaits sur l’oreiller.
Les bois craquent doucement dans le silence noir de la maison.
C’est alors que des tentacules plongent dans l’obscurité de la chambre, s’enroulent en volutes épaisses et tendres qui t’enlèvent du lit et te suspendent souplement au-dessus de l’abîme.
De l’autre côté du monde, tes yeux fermés voient les banians qui ont mangé le temple.
Les arbres ont étouffé son cœur sous une verte et sombre forêt, et les lianes peignent sur les ruines des rois une géométrie fantaisiste, coiffent les portes, les fenêtres, les pierres d’autrefois.
Ruine, faillite, délitement, oubli.
Et soudain, la résurrection sous une forme nouvelle, fantasmée, dessinée, épinglée sur le cœur des fantômes, vivante sur les restes des morts.
Soudain, dans l’espace, le temps danse.
Giulia Pentcheff, 2022